Extrait du journal personnel du Cpt. Al.
23 juin 1943
L'entrainement est intensif. J'ai presque l'impression qu'on veut nous pousser à bout. Le vol en formation au dessus des flots passe nos nerfs à rudes épreuves. Nous avons commencé il y a quelques jours à manipuler l'armement des appareils lors d'attaques sur des carcasses de bateaux échoués au nord de Guadalcanal. Attaque en solo, attaque par paire. Mitrailleuses, bombes, rockets. Le timing est important, si l'on veut éviter de prendre le souffle des bombes de l'avion qui nous a précédé.
Aujourd'hui, a été notre premier vol sur le B25-H. Smith est monté avec nous pour ce vol, ainsi qu'un mécano, faisant office de canonnier, la recharge du canon se faisant manuellement.
Sur l'autre version du B25, tirer avec 12 mitrailleuses fait déjà trembler l'avion, j'avais de l'appréhension en m'imaginant ce que pouvait donner un tir au canon de ce calibre. D'après les autres gars qui l'avaient déjà testé, c'était tout sauf un moment agréable et que je m'en rendrais bien compte le moment venu.
En faisant route faire la zone de tir, le major Smith m'explique que je ne dois pas avoir peur de tirer de loin. Nous embarquons 21 obus et le temps entre chaque tir fait, qu'on peut au mieux faire deux tirs par passe. En général on épuise nos munitions de mitrailleuses avant d'avoir passé la moitié des obus. Donc, un premier tir à environ 800 mètres et un deuxième en arrivant sur la cible.
Mais avant tout, tester le canon. Smith m'indique la zone, des bateaux. On refait un tour, en passant au dessus de Guadalcanal, afin d'arriver sur un axe pleine mer, afin de pouvoir tirer tranquillement. Altitude 500 pieds. Smith donne le "go" au mécano. Celui est en dessous du cockpit, dans le nez de l'appareil. Je ne peux pas le voir, mais j'entends parfaitement le bruit quand il charge. Je commence à me demander dans quelle galère je me suis mis.
"Cap, c'est quand vous voulez." me lâche Smith.
Je tourne la tête à droite et vois son visage amusé, qu'il a déjà du donner à bon nombres pilotes pas très sûr d'eux au moment du premier tir. Je ne dois pas déroger à la règle avec mon air interrogateur qui doit dire "Vraiment?".
Pas de contre-ordre. Je déglutis. J'annonce à la radio "tir au canon", afin de prévenir le reste de l'équipe. et...
BRAAAAAAAAM.. Un bruit énorme, malgré les moteurs et le casque radio. Malgré le système de recul, on sent l'avion retenu en arrière pendant une petite seconde. Et puis une fumée grise envahit le cockpit pendant quelques instants ainsi que l'odeur de poudre.
"Vous voyez, c'est pas si terrible que ça" lâche Smith à moitié hilare.
A l'inter com, Richy nous gâte d'un de ces commentaires:
"Bon sang, on aurait dit ma tante Sally après un bon plat de haricots, la fumée en plus!
-Merci Richy... En revanche on voit que nos amis ingénieurs n'ont pas pensé ) nous, mitrailleurs, je viens de me prendre le système de visé en plein milieu du front." ajoute Lip. "Danny, t'es OK en bas?
-Sainte Marie mère de Dieu. On croirait un bout d'enfer amener sur terre. A part avoir été envoyé par terre par la secousse, pas de problème.
-Vous inquiétez pas les gars, vous vous y habituerez. Allez cette fois, on y va et votre skipper va essayer de toucher quelque chose!" conclu Smith.
La cession s'est plutôt bien passé, après deux ou trois passes, j'ai commencé à mettre un obus dans une carcasses et sur les deux dernières, j'ai réussi à faire du 2/2!
Le temps est passé à une vitesse folle, quand nous recevons l'ordre de retour base, nous étions en vol depuis plus de 3 heures.
Une fois rentré au parking. Les appareils de la mission d'après-midi sont en train de rentrer. Commence alors le rituel, comme à chaque fois, on compte. Combien rentre. On discute entre nous, les nouveaux équipages qui ne sommes pas encore en opération. Partis à 8, rentrés à 7. Là, un B25 qui dégage une fumée du grise d'un moteur, là un autre dont un des moteurs est en étoile. Bref, le quotidien auquel nous assistons encore en tant que spectateur, mais que nous savons toujours plus proche.
7 Juillet 1943
Cpt Ryan, 1st Ltn Cook, 1st Ltd Hammer, 2nd Ltd McKogan, 2nd class Henry.
Ce sont les noms des premiers morts de notre groupe, alors que nous ne sommes pas encore opération.
La nervosité et la fatique du à l'intensité de l'entrainement, lié à une météo capricieuse ce jour, aura fini par créer un accident. Nous n'étions pas présent, mais avons entendu le drame à la radio. Alors que l'on venait de sortir d'une passe de tir au canon, des voix à la radio se sont entremêlés:
"De green leader attention vent cisaillant vers la gauche. 3 et 4 break gauche maintenant! MAINTENANT!
- 3 je break!
- Non 4 ne plongez p...
-Nooo..".
Des grésillements à la radio pendant une ou deux secondes, puis rien, quelques secondes de silence, jusqu'à ce que:
"B25 down, je répète un B25 à l'eau."
Ordre de retour base immédiat.
C'est une fois rentré que nous apprenons ce qu'il s'est passé. Le box de bombardiers était en formation serrée à 150 pieds. La rafale cisaillante à déporter le leader sur la gauche, l'appareil numéro 3 a vraisemblablement trop ouvert à gauche et le pilote du 4, Ryan, a eu un mauvais réflexe en poussant violemment sur le manche. A cette altitude et cette vitesse, il a fallu moins de 2 secondes à l'avion avant de percuter l'eau. L'appareil s'est désintégré et a quasiment couler à pic. Chance de survie à ce type de crash, quasi nulle. Deux corps seront ramenés dans la soirée.
Le major Smith, nous a réunis, afin de discuter de tout ça. Les mots ne font pas forcément plaisir à entendre, mais malheureusement, il falloir s'y habituer. Nous passerons la soirée avec les autres pilotes. C'est bien la première fois qu'il semble ne pas y avoir de différence entre nous.
14 Juillet 1943
Ca y est, le commandant nous a annoncé ce jour que nous étions bon pour commencer les opérations. Première mission dans deux jours!
Nous avons été assigné à nos appareils. Je vais voler sur la canonnière volante! Après cette petite réunion, chaque équipage se dirige vers le box qui lui a été assigné et où attende leur monture. Lip, Dany, Richy et moi même, arrivons devant un B-25, couleur aluminium, numéro 47. Seul le haut du nez et les quarts intérieurs sont peints en vert. Sur face gauche du nez, un magnifique pin-up et le nom de l'appareil "Flak Magnet". Richy ne peut s'empêcher de siffler l’œuvre. Même Lip et Dany mettent quelques instants à détacher leur regard du "nose art".
Un gars assez trapu s'avance vers nous, en pantalon et chemise kaki, torchon sur l'épaule, casquette avec la visière relevé, accompagné d'un autre tout fluet. Le premier se présente:
"Salut les gars, moi c'est Bouli, votre chef mécanicien. J'espère que vous prendrez soin de ma petite beauté. Surtout, n'essayez pas de lui faire rendre hommage à son nom! Lui là, c'est Joe, il va monter avec vous, il vous a été assigné en tant qu'armurier! Il connait très bien l'avion et pourra vous assister en cas de problème techniques!"
Nous sommes montés à bord de l'appareil, chacun est allé à son poste prendre ses marques. Dans le cockpit, Bouli me montre et m'explique deux trois petites choses et astuces pour me simplifier les vols.
Le photographe de l'escadrille passe, afin de nous immortaliser pour les archives du groupe. J'essaierais de récupérer des doubles.
Le courant passe bien entre tous, je pense que nous formerons une belle équipe, tant que l'on rentrera avec notre avion intact! Joe nous rejoint dans notre tente. Notre équipage est au complet et nous sommes prêt!
Russel Island, le 15 juillet 1943
Cher tous,
voilà plus d'un mois que nous sommes arrivés sur cet île au milieu du pacifique. Notre conversion sur les nouvelles machines que nous piloterons s'est relativement bien passé.
Je vais piloter un B-25 H, qui a un gros canon dans le nez. Avec ça, on va faire rentrer les japs chez eux en moins de temps qu'il en faut pour le dire!
Notre équipage est au complet, depuis Joe Marler nous a rejoint. C'est un jeune gars comme nous, bien sympathique. Peut être aurez vous l'occasion de le rencontrer quand nous rentrerons.
Mais surtout la grande nouvelle, ça y est, demain est le grand jour, nous partons pour notre première mission! Nous n'avons pas peur et n'avons pas à l'avoir. Tout se passera bien je le sais, vous n'avez pas besoin de vous inquiéter!
Je vous écris très rapidement pour vous faire part de mes exploits.
Tendrement,
Votre Al